Un autobus bondé Traverse les montagnes,
Et la lune, ahurie, Lui tisse un blanc manteau,
Défait son voile bleu Sur les chastes étoiles,
Si pâles qu'on dirait Qu'elles se souviennent un peu.
Tétouan n'est plus, là-bas, Qu'une image fugace,
Où des dealers trop maigres Venaient te rendre grâce,
En te baratinant, Au thé de médina,
A te rouler un joint, Avec leur chocolat.
Route du kif, Route du kif, Route du kif...
Tu roules depuis quand ? Tu es toujours la même,
Vibrante de blasphèmes Au fil de tes tournants,
Tu nous voiles sommets, Cèdres et précipices,
Le Rif peut resplendir Sous tes lacets ardents.
Au bas côté des gens Qui n'attendent qu'eux-mêmes,
Au signe de victoire De leurs doigts écartés,
Les plaques brunes sortent Des djellabas, étrange,
Les mots et ton argent, S'envolent en fumée !
Route du kif, Route du kif, Route du kif...
Là-bas, t'es pour causer, Les mots sont des mésanges,
Il faut parler pour rien, Pour l'imagination,
T'as pas à te cacher, Raconte ton histoire,
Enveloppe ton verbe Du parfum de ton front.
Ton voisin comprendra, Lui qui a l'âme noire,
Lui, que tu craindrais, Le soir, en médina,
Dans l'autobus fourbu, Il n'y a que des complices,
On a payé les flics, Alors, on passera !
Route du kif, Route du kif, Route du kif...
Tout à l'heure Kétama Et ses fermes lointaines,
Sur la route de Fès, Traîneront les souliers,
Alors, je descendrai Au buffet de la gare,
Et noierai mon silence, Dans ma tasse de café.
Route du kif, Route du kif, Route du kif...
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