La ruche des serveurs
s'activait, bourdonnante,
Dans la salle à manger immense jusqu'aux plafonds;
Elle paraissait jaillir de corridors profonds
Qui s'ouvrent tout-à-coup sur la place tonnante.
Plateau de coquillages, nectar emmitouflé,
Dans le seau à Champagne, prisonnier de la glace ;
Claquements de fourchettes mais l'esprit vide, hélas,
Ca, aucun compte en banque ne peut le camoufler !
Brisée,
Ma guitare est brisée,
Brisée, brisée...
Un jeune homme apparut, très timide, à la porte,
Il parut hésiter, bousculé par le flot,
Vous auriez fait de même, il en faut un culot
Pour déranger ainsi une armée de cloportes !
D'une main sa guitare et de l'autre un chapeau,
Il croisa des regards fermés d'indifférence,
Méfiants, pire encore, bouffis d'intolérance,
Pour chasser le mendiant musicien du troupeau !
Je le vis se cacher des larmes plein les yeux,
Accordant l'instrument de son oreille fine,
Répétant son morceau, le jouant en sourdine,
Cherchant le bon moment de son choix judicieux.
Puis, se ressaisissant, en serrant bien les poings,
Se convaincre à demi du succès à venir,
Se jeter dans la salle et sans se désunir,
Lorsqu'un bruit terrible couvrit tout leur tintouin !
Brisée,
Sa guitare est brisée,
Brisée, brisée...
Livide, il ramassa son amie en morceaux,
Ses rêves éventrés, les cordes des chansons
Vibrant encore un peu dans un dernier frisson,
Et puis, il s'est enfui, le gentil jouvenceau.
Je n'ai rien pu pour lui, si ce n'est un sourire,
Un départ théâtral du désert des mangeurs,
Un désir de vengeance contre ces naufrageurs,
Qui poursuivaient gaiement le repas du martyre.
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