LE COQ DE RENATO
Tout au fond d'un jardin douze poules caquettent
Sous le regard mutin d'Hélène qui les guette.
Elles jouent les midinettes mais Lucile est inquiète
Car depuis quelque temps Paul les trouve moroses.
Elles n'ont plus de dents elles ont la crête rose.
Sont-elles socialistes ? Que nenni, elles sont tristes !
Oui ! Effectivement, disons-le sans détour,
Bien sûr, évidemment, il leur manque l'amour.
Soudain surgit l'idée dans les sombres cerveaux
Des toubibs réunis penchés sur les berceaux,
Le remède est trouvé, il leur faut un bon coq,
Et tous pensent à René, il ne craint pas le choc.
En effet Renato a dans son poulailler
Un superbe « bestiau » dont il tire fierté.
Sitôt dit, sitôt fait, vite on se précipite
Au « prat » où engoncé tout au fond de son gîte,
Le chevalier servant et ses ardeurs brûlantes 
Vont guérir sur le champ les poules agonisantes !
Et une et deux et trois notre coq amoureux,
Saillit tout ce qu'il voit et il fait même mieux :
Un pauvre chien coincé dans un trou du grillage
Sans pouvoir s'échapper subira les outrages !
Et une et deux et trois notre coq amoureux
Saillit tout ce qu'il voit et il fait même mieux !
Mais le bel étalon enivré de conquêtes
En oublie la raison, il a perdu la tête,
Quand un cri déchirant vient traverser l'espace :
Le coq gît sur le flanc les deux pattes et la face
Ecrasées contre terre le nez dans le fumier,
De ses humeurs guerrières il a trop présumé !
Moralité...
C'est depuis ce grand jour que dans notre village,
Les femmes sont aimantes mais les hommes tous sages.
Que l'histoire du coq qui voulait tout sauter
Serve souvent d'exemple aux mâles excités !
Que l'histoire du coq qui voulait tout sauter
Ne nous empêche mesdames de vous réconforter !...
Michel Fondrat