MÉLANCOLIE
Le manche de ma guitare colle,
Les sons paraissent désaccordés,
Je chante mal et je bricole
Sur des mélodies démodées ;
Même les objets me font la gueule,
Eux qui sont mes bons confidents,
S'éteint souvent le brûle-gueule
Que je caresse de mes dents.
Mélancolie n'est pas le bagne
Et l'on ne souffre pas vraiment,
Mais c'est une lourde compagne
Dont on ne veut être l'amant.
Les beaux jours brillent sur les tuiles,
Je les avais tant attendus !
Il manque encore trois gouttes d'huile
Aux grains de sable répandus,
Pour qu'ils glissent dans la rivière
De la province de l'oubli,
Qu'ils s'accumulent dans la gravière
Loin des méandres de son lit.
C'est l'heure grise où l'on ressent
Le temps qui part à la dérive,
Où sèche une tache de sang
Sur son enfance primitive ;
Les souvenirs sont embués,
Perdent leur vocation refuge,
Et ils s'enfuient sous les huées
Comme un poète que l'on juge.
La vie se met en pointillés
Sur l'autoroute de la mémoire,
Fleurs de lavande éparpillées
Aux étagères de l'armoire ;
Photos jaunies, encres effacées,
Vestiges d'un autre moi-même,
Je me libère de mon passé,
Je ne suis plus certain qu'il m'aime.
Ô mon amie, ne pleure pas
Sur cette chansonnette triste,
Ce léger spleen qui rattrapa
Un soir le pauvre guitariste,
Qui n'est là que pour te servir
Et t'inventer des paysages,
Mon poème te sied à ravir,
Ah, que s'éclaire ton visage !
Ô mon amie, ne pleure pas
Sur cette chansonnette triste,
Ce léger spleen qui rattrapa
Un soir le pauvre guitariste,

Qui n'est là que pour te servir
Et t'inventer des paysages,
Mon poème te sied à ravir,

Ah, que s'éclairent nos visages !